Mogariennes

J’ai une histoire particulière avec ce recueil de poèmes. Il me renvoie tout droit au début de mon collège où la bibliothèque était mon refuge, mon espace d’évasion. Pour des raisons que j’ignore, de nombreux livres dans cette bibliothèque avait une couverture refaite, bleue ou orange. Il y avait néanmoins une collection qui était conservée avec leur couverture originale. J’étais fascinée par leur simplicité, leur épure qui paraissait digne et royale. Parmi ces livres se trouvait Mogariennes, qui m’a attiré parce que ce titre était un nouveau mot pour moi.



J’ai ouvert le recueil au hasard et je suis tombée sur Eïram.
Eïram m’a regardé
Et ma vie s’immobilise
Comme un palmier dans l’oasis
De ses yeux
Je suis le Bédouin de son désert
L’Idiot du village
La bouche pleine de bave
Je balbutie son nom
Happée par tant d’intensité, je suis restée debout près de l’étagère à dévorer ce recueil de poèmes. I20 ans plus tard, je relis ce recueil et réalise que bien des femmes ont fasciné Cheik Aliou Ndao, on les retrouve dans Pour Inès, Viana, Charavines, Tresses, … mais je dois dire que celles de Alger 56 ont fait résonner quelque chose en moi. Je ne connais pas l’histoire de l’Algérie, encore moins la guerre de libération du joug français, et je me dis que ces trois prénoms évoquent le courage et le sacrifice que l’on retrouve derrière le drapeau algérien.
Aïcha
Yasmin
Maïmoun
Trois ombres voilées sur un mur
Béret Rouge
Sentinelle
Para
Feu sur les formes
Couvre-feu sur le crime
Trois ombres au bas du mur
Trois soeurs dans le sang
Aïcha
Yasmin
Maïmoun
Et juste après, on a mon deuxième favori de Mogariennes, Hello Joe. Il critique particulièrement l’impérialisme étasunien mais plus largement la domination occidentale qui se veut insidieuse et frontale, puritaine et donneuse de leçons. Cheik Aliou Ndao y décrit cette hypocrisie du bienfaiteur pilleur qui n’a de souci que se remplir les poches au point de se retrouver lui-même esclave de sa cupidité. Nous nous quittons donc avec ce bénédicité qui fera des émules à table !
Seigneur Dollar qui êtes aux Cieux
Que votre nom soit thésaurisé
Que votre règne arrive
Que votre volonté soit faite sur la terre
Comme au coffre-fort
Donnez-nous notre dollar de tous les jours
Pardonnez-nous nos dollars comme
Nous nous pardonnons de les avoir dérobés
Depuis trois siècles chez les Indiens
Et les Nègres
Mais ne nous délivrez pas du dollar
Ainsi Dollar soit-il
Bon appétit !

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