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 'I am living vicariously through you', une amie me faisait toujours rire quand elle disait cela! C'était souvent dans une situation où l'on venait de se raconter les derniers potins de nos vies, des exclamations, des rires, des souhaits pour l'avenir...  Vicariously, j'avais toujours associé ce mot aux moments de joie partagée, à l'empathie pour le bonheur que l'autre ressent. Je n'avais pas réalisé que tant d'empathie pour les émotions des autres signifiait les ressentir toutes, joyeuses, tristes, effroyables.

La dernière semaine de mai 2020, George Floyd appelait sa mère à l'aide dans une agonie qui a secoué le monde. J'ai entendu, mais je n'ai pas voulu écouter, car j'ai pensé pouvoir ériger une barrière d'insensibilité, comme face à d'autres atrocités qui font la une. J'ai pensé que cela allait passer comme on finit par oublier la misère des autres. Cette semaine-là, sous un soleil méditerranéen des plus radieux, entre apéros, piques-niques et soirées jeux, j'ai essayé de taire cette rage, cette frayeur et cette profonde tristesse en moi. Je m'étais interdite d'en parler au travail, j'ai évité tant bien que mal d'en parler à mon entourage. Mais une semaine plus tard, 8 minutes et 46 secondes après, c'est avec la plus grande peine que j'inspirais à nouveau, retenant mes larmes. 

La première semaine de juin, ma sœur d'une autre mère est venue me rendre visite et dans nos retrouvailles, elle a partagé avec moi un moment marquant de sa vie, me poussant à me remémorer les miens. Je me suis sentie honorée de la confiance qu'elle me fait, je portais avec elle ce fardeau et ensemble nous en devenions plus fortes. Toutefois, à son départ, la solidarité a laissé place au regret, à la culpabilité, à la solitude d'une douleur profonde qui ne pouvait plus être contenue. 


Lire pour moi c'est comme écrire, c'est se regarder dans un miroir pour se révéler à soi et au reste du monde. J'ai évité de toutes mes forces de ressentir les choses et eu la possibilité de me plonger dans le travail pour noyer cette peine qui n'en finissait pas de me ronger de l'intérieur. Je venais de terminer Wild Seed et, malgré la lueur d'espoir qui clôturait ce livre, je n'ai pas pu m'exprimer sur l'oppression d'Anyanwu via un article. J'ai alors commencé Les Soleils des Indépendances en espérant y retrouver l'humour noir d'Ahmadou Kourouma, mais c'était sans compter sur l'épouvantable expérience de la belle Salimata. Alors j'ai arrêté de lire, tout simplement. 

Décidément, tout l'univers s'était mobilisé pour me faire crever l'abcès. Et pour que tout cela sorte, j'ai eu le privilège d'avoir une famille, des ami-e-s et un psychologue qui sont venu-e-s à ma rescousse et ont marché avec moi pour traverser cette piste tortueuse. Peu à peu, j'ai recommencé à lire, d'abord des articles sur des thèmes positifs, puis des contes, ensuite j'ai dévoré les 3 tomes de La Vie d'Ebène Duta. Ils m'ont rappelé mes années étudiantes, les situations gênantes et celles rigolotes, les moments BFF... Quel régal de pouvoir à nouveau rire aux éclats et profiter des petites joies!

Mais il fallait plus pour redonner du goût à la sauce. Je suis donc partie voir ma famille sous la pluie, à la neige, dans la lagune et sur l'autre rive. Et c'est remontée à bloc, pleine de gratitude et d'entrain que je reviens à kumalafôlô pour continuer avec vous cette aventure livresque. Aza aza fighting!

  

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